Contexte

Les conduites addictives sont un phénomène complexe, longtemps et aujourd’hui encore mal connu, entouré de tabous, de stéréotypes et de préjugés, alors même qu’il se répand, se diversifie et s’aggrave. Les conduites addictives constituent à la fois, et à part entière, une maladie et un fait de société. Elles génèrent des volumes d’affaires importants et pèsent de façon structurelle sur le PIB (plus de 3%) et sur les recettes fiscales (près de 9%)1.

Le trouble de l’addiction est une altération de l’intégrité psychique et une menace pour la santé des personnes, en même temps qu’une épreuve aux coûts élevés et aux effets potentiellement très préjudiciables pour l’équilibre relationnel des individus et de leurs familles, pour leurs revenus et leurs ressources matérielles, pour l’état sanitaire et moral de la collectivité nationale et, par extension, pour la vitalité et le potentiel de développement économique, social et culturel de tout le pays. Un pays dont une partie importante de la jeunesse et de la population en âge d’activité subit la dépendance à des substances ou à des activités addictives est en effet un pays entravé dans sa capacité à édifier et tirer bénéfice du plein épanouissement des facultés créatives, productives et culturelles de sa population et ne peut pas préparer au mieux l’avenir de ses générations futures. En cela, la bonne connaissance des addictions, l’identification, la prévention de leurs risques et l’atténuation de leurs conséquences sont un défi collectif pour notre société et une responsabilité commune de tous ceux qui contribuent à la conception et au déploiement des politiques publiques. L’addiction est une pathologie du cerveau, à laquelle peuvent conduire des substances et des chemins comportementaux multiples. Ses manifestations sont multiformes, ses causes multifactorielles, à la fois biologiques, psychologiques et sociales. Son traitement a besoin d’un cadre cohérent, animé par des spécialistes et des professionnels, et conjuguant un traitement qui peut être médicamenteux, un suivi psychologique individuel et/ou collectif, un accompagnement social et des dispositifs d’information, de sensibilisation, de prévention et de prise en charge impliquant une chaîne étendue de parties prenantes qui inclut, en plus des pouvoirs publics, les entreprises, les acteurs de la société civile, les sociétés savantes, les médias, l’école et les universités.

Pourquoi cet avis sur les addictions ?


A travers cet avis, le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) souhaite alerter contre les risques liés aux conduites addictives et de faire progresser la prise de conscience collective sur l’ampleur, la pluralité des formes, le danger de la banalisation et la gravité des risques des addictions dans notre pays. Une des grandes recommandations de ce rapport est d’en appeler à un plan national de mesures d’urgence de santé publique basé sur la reconnaissance des conduites addictives pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire une maladie dont les protocoles de soins médicaux et d’accompagnement psychosociaux doivent être formalisés, mutualisés et remboursés sans discrimination par les organismes de sécurité sociale et les compagnies d’assurance gestionnaires de l’assurance maladie. La prévention et la prise en charge des addictions concerne aussi le monde du travail et les entreprises.

Cet avis met en exergue la gravité des conduites addictives sur les lieux de travail et/ou en rapport avec l’activité professionnelle et en appelle aussi à l’intégration et la prise en charge de ce risque par la médecine du travail. Pour relever le défi de la protection de la société marocaine contre les effets des conduites addictives, l’État doit développer les infrastructures et mettre en place des mesures dédiées à la prévention et au soin des addictions en utilisant éventuellement les recettes fiscales issues des produits et les services à haut potentiel d’addiction.

Ce rapport met en évidence et alerte sur le poids structurel qu’a pris le secteur des activités et substances à fort potentiel addictif dans l’économie nationale. Il démontre le besoin de favoriser l’investissement dans des secteurs d’activités alternatifs, aux externalités sanitaires et sociales moins toxiques, afin de réduire la dépendance de l’économie et du budget de l’Etat par rapport aux revenus des biens et services à potentiel addictif.