L’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) mène des recherches sur la consommation des drogues et les pratiques addictives afin d’éclairer les politiques publiques dans ce domaine. Retour sur les chiffres 2023 qui viennent d’être publiés le 26 juin 2024 et panorama des politiques publiques en matière de toxicomanie.
Selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), le mot « drogue » recouvre l’ensemble des produits psychoactifs (substances licites comme le tabac ou l’alcool et substances illicites telles que le cannabis ou la cocaïne) dont la consommation perturbe le système nerveux central en modifiant les états de conscience. Les drogues agissent sur le circuit de récompense du cerveau (dopamine) et sur d’autres circuits dont dépend la gestion des émotions, de l’humeur, de la motivation et des apprentissages. Leur usage provoque souvent, dans un premier temps, des sensations de plaisir qui engendrent le désir de renouveler l’expérience, et conduisent progressivement à perdre le contrôle de sa consommation. D’autres comportements comme la pratique des jeux d’argent ont une action similaire sur le cerveau. Toutes ces pratiques sont identifiées sous le terme d’addictions.
Consommation de drogues et addictions : état des lieux
Une multiplicité de pratiques
Parmi les substances illicites, selon l’enquête de l’OFDT publiée le 26 juin 2024 « Les niveaux d’usage des drogues illicites en France en 2023 » de l’OFDT, le cannabis reste de loin la substance la plus consommée parmi les 18-64 ans :
- un adulte sur deux (50,4%) l’a déjà expérimenté ;
- depuis 1992, l’usage dans l’année a globalement doublé ;
- 3,4% sont des consommateurs réguliers ;
- l’usage quotidien concerne 2,3% des 18-64 ans, avec un maximum de 3,5% chez les 18-24 ans, mais encore 2,9 % chez les 35-44 ans, reflet du vieillissement des générations qui l’ont expérimenté dans leur jeunesse.
Évolution des niveaux d’usage de cannabis entre 1992 et 2023, parmi les 18-64 ans
14,6% des 18-64 ans ont expérimenté des drogues autres que le cannabis ; ce taux s’élevait à 9,8% en 2017. La cocaïne est le deuxième produit illicite le plus consommé parmi les 18-64 ans, avec 9,4% d’expérimentateurs en 2023. Elle est suivie par l’ecstasy (MDMA), avec 8,2% d’expérimentateurs. En 2017, les niveaux de consommation de ces deux stimulants étaient plus proches (5,6% pour la cocaïne contre 5% pour l’ecstasy), signe d’une disponibilité accrue de la cocaïne ; pour les deux produits, la progression de la consommation a été nette dans l’intervalle.
D’après les chiffres clés 2022 de l’OFDT, l’alcool et le tabac, substances licites, demeurent les produits les plus consommés. Le tabac est moins consommé que l’alcool mais son usage est plus quotidien. En 2020, 25,5% des adultes (18-75 ans) fument tous les jours (12 millions d’individus de 11 à 75 ans) et 10% boivent quotidiennement de l’alcool (5 millions de personnes). La France reste à un niveau très élevé de prévalence du tabagisme en Europe : elle se situe au cinquième rang européen en 2019 pour le nombre de fumeurs quotidiens âgés de 15 à 75 ans. On constate toutefois une baisse sensible de la consommation de tabac chez les jeunes depuis 2014, et chez les adultes depuis 2016. En 2010, 51,8% des élèves de troisième avaient expérimenté le tabac ; ils sont 29,1% en 2021. Pour autant, 3,7% des jeunes de cette classe fument quotidiennement. Les ventes annuelles d’alcool ont baissé régulièrement depuis cinquante ans, en raison essentiellement du recul de la consommation de vin. Très présents chez les jeunes, les comportements d’alcoolisation ponctuelle importante (API), également connus sous l’expression « binge drinking » (intoxication alcoolique aiguë ou alcoolisation massive), baissent sensiblement. Alors que 16% des jeunes de moins de 17 ans déclaraient avoir vécu au moins trois situations d’API dans le mois en 2017, l’enquête Escapad de l’OFDT révèle qu’en 2022, 13,6% des mineurs de 17 ans (16,4% des garçons et 10,6% des filles) ont connu au moins trois API dans le mois. Concernant les médicaments psychotropes, 21% de la population de 15 ans et plus a bénéficié d’un remboursement de psychotrope au moins une fois dans l’année en 2017 : 15% pour un anxiolytique, 9% pour un antidépresseur, 6% pour un hypnotique.
Les addictions peuvent avoir des objets divers, dont la liste s’étend sans cesse, au fil des éditions du DSM (manuel diagnostique en psychiatrie). Aux dépendances classiques et reconnues (drogues, alcool, tabac, jeux d’argent et de hasard, psychotropes) s’ajoutent les dépendances à internet, aux achats, au sport, au sexe, au travail… On estime que ces addictions, encore peu quantifiées, touchent près de 6% de la population. En 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu comme maladie de l’addiction le trouble du jeu vidéo (gaming disorder).
Qui sont les usagers ?
Les consommateurs de substances illicites n’appartiennent pas à un groupe clairement identifié : ils peuvent être des usagers socialement insérés tout comme des usagers précarisés, marginalisés. Leurs modes de consommation sont variés et l’éventail des drogues consommées est large. Substances licites ou illicites, les hommes sont plus consommateurs que les femmes. Tout comme pour les adultes, les trois produits les plus consommés par les adolescents sont l’alcool, le tabac et le cannabis. En 2021, sur dix élèves de troisième, six ont déjà bu de l’alcool, trois ont fumé du tabac, un jeune a expérimenté le cannabis et trois la cigarette électronique.
Des effets délétères
Les conduites addictives ont de multiples conséquences sanitaires et sociales (maladies, handicaps, suicides, violences, notamment conjugales, isolement, précarité…). Le tabac est responsable de plus de 75 000 décès par an, d’après Santé publique France. La mortalité attribuable à l’alcool est estimée à 49 000 décès par an. Le contentieux lié à l’alcool au volant représente 53% des condamnations pour délits routiers. 69 903 condamnations ont été prononcées en 2021 pour conduite en état alcoolique, et 57 206 pour conduite sous l’emprise de stupéfiants, selon la Contribution du ministère de la justice au Bilan annuel 2021 de la sécurité routière.