Généralités

1.1 Le problème

Les troubles liés à l’usage de substances sont un problème de santé que l’on peut prévenir et traiter médicalement et qui ont une grande incidence sur la santé publique et le bien-être économique et social de l’individu et de la société au sens large.

Les taux de morbidité et de mortalité qui leur sont liés sont très élevés dans le monde et les substances addictives figurent en bonne place dans le Rapport sur la santé dans le monde de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS, 2009a).

Les estimations les plus fiables concernant le nombre de personnes souffrant en Europe d’une dépendance à l’alcool (14,6 millions), aux opiacés (1 million) et au cannabis (1,6 million) (Wittchen et al. 2011) montrent clairement l’ampleur du problème.

Face à l’étendue des problèmes résultant des troubles liés à l’usage de substances, l’offre de programmes et de services n’est pas appropriée, et la couverture des besoins de la population en matière de services de traitement des troubles liés à l’usage de drogues et d’alcool est insuffisante. Dix pour cent seulement des personnes dépendantes des opiacés ont un accès à des soins, et cette minorité est répartie sur les 40% de pays qui fournissent des services de traitement aux usagers de drogue par injection (OMS, 2010). Même dans les pays disposant de ressources importantes, la qualité des services est fréquemment déficiente (McLellan et al. 2003, Haasen et al. 2004).

Comme dans d’autres domaines de la médecine, l’efficience et l’efficacité des interventions dépend de la disponibilité d’un personnel compétent, dont le professionnalisme découle non seulement d’une formation et d’une éducation scientifiques, mais aussi de la capacité à être en empathie avec le patient et de répondre à ses besoins et attentes.

Dans le cas des troubles liés à l’usage de substances, le personnel doit également avoir la capacité d’encourager le patient et de le responsabiliser afin qu’il se prenne en charge (Oliver et al. 2004). La coopération avec des groupes d’auto-assistance améliore les résultats (Humphreys et Moos 2007).

Ces compétences peuvent être apprises dans un cadre pédagogique. La plupart des personnes ayant des problèmes d’usage de substances ne sont pas examinées par des spécialistes, mais plus généralement par des généralistes, dans les services sociaux, les hôpitaux et les salles d’urgence. Ces intervenants ont aussi besoin d’être familiarisés avec l’utilisation de substances et les troubles liés à leur usage afin de les reconnaître, de fournir des avis utiles, de faire de brèves interventions et d’orienter le patient vers un service spécialisé (Caner et al. 2013). Il s’agit d’un autre type de compétence, tout aussi importante et qui peut, elle aussi, être apprise. Il apparaît donc, et des éléments de plus en plus nombreux le confirment, que tous les prestataires de soins de santé devraient posséder ces compétences. Si un consensus
semble s’établir progressivement à ce sujet, force est de constater que toutes les lignes directrices et tous les programmes de formation ne sont pas satisfaisants en ce concerne l’évaluation des résultats (Uchtenhagen et al. 2005). En outre, les études existantes qui décrivent les programmes de formation aux troubles liés à l’usage de substances ont été critiquées parce qu’elles ne présentaient pas suffisamment de données d’évaluation systématique pouvant contribuer à l’élaboration d’approches pédagogiques spécifiques et d’instruments d’évaluation. 

1.2 Un déficit européen

En ce qui concerne la formation dispensée dans le domaine de l’addiction dans différents pays de la région européenne, l’expérience montre que des normes communes de formation fondées sur des données factuelles sont nécessaires.

Le groupe de réflexion I-ThETA2 a examiné cette question et indiqué que lorsqu’une formation existe, au mieux elle n’est pas coordonnée au niveau national, au pire ce sont des ONG qui sont à l’origine des rares possibilités de formation. La formation aux addictions est rarement intégrée dans les structures de formation officielle, et le domaine de l’addiction se retrouve en marge du système de formation qui existe pour les principales disciplines concernées (psychiatrie, psychologie, aide sociale et soins infirmiers) (Uchtenhagen et al. 2008). En outre, compte tenu des différents cadres législatifs qui régissent les politiques relatives aux drogues et des différentes représentations du phénomène de la drogue dans les cultures nationales, on constate qu’aucune norme minimale n’a encore été mise en place concernant la formation dans le domaine de l’addiction.

Un projet européen récent visant à définir des normes de qualité minimales en matière de réduction de la demande de drogue (EQUS) a établi des listes de normes minimales à partir de directives nationales et internationales pertinentes et d’autres publications connexes, et soumis ces listes en ligne à un groupe élargi de parties prenantes et durant une conférence européenne. Ce processus de concertation s’est concrétisé par des listes définitives de normes qui ont fait l’objet d’un consensus égal ou supérieur à 80%. Parallèlement, des lacunes significatives dans l’application au niveau national des normes convenues ont été constatées.