1) – Introduction

Depuis ces dernières années, les autorités marocaines se sont alertées de l’existence d’une épidémie d’usage de drogues dans le pays. C’est plus particulièrement le développement de l’usage d’héroïne par la voie injectable au cours des années 2004 à 2006 qui a été observé avec une certaine inquiétude. Le Ministère de la Santé a alors procédé à une évaluation qualitative et quantitative du phénomène ainsi que du risque de diffusion du Virus de l’Immunodéficience Humaine (V.I.H.) parmi les personnes concernées.

Les résultats de cette évaluation ont été remis au milieu de l’année 2006 et ont amplement confirmé les premières impressions. Le gouvernement a alors décidé la mise en œuvre d’un plan d’action pour faire face à cette situation et à ses conséquences sanitaires. La démarche de «réduction des risques» qui a été approuvée, est destinée à diminuer les dommages encourus par les usagers de drogues eux-mêmes aussi bien que les méfaits qui sont occasionnés à la société dans son entier.

Les mesures proposées sont destinées à faire barrage à l’épidémie de SIDA et d’hépatite C au Maroc chez les consommateurs de drogues mais aussi à protéger la population générale d’une épidémie jusqu’ici contenue. Le plan comprend des initiatives destinées à prévenir la diffusion des virus mais aussi à aider les personnes concernées en leur proposant un traitement médical de leur addiction avec la mise en place de programmes de traitement par prescription d’une substitution opiacée. Ces initiatives doivent être adaptées aux spécificités de la situation marocaine qui ont été mises en évidence par le travail d’évaluation réalisé en 2006.

Ce texte a été conçu à la suite de rencontres qui se sont déroulées sur le terrain au printemps 2007. Il constitue la mise en forme de discussions qui ont eu lieu tant avec les autorités chargées d’engager la réalisation de ces programmes, qu’avec les professionnels chargés de les faire fonctionner sur le terrain. Il se donne pour objectif de soumettre une série de recommandations pratiques pour favoriser une mise en oeuvre du programme de traitement de substitution afin que celui-ci se révèle adapté aux objectifs que se sont donnés les autorités, à la situation du pays, avec le souci de bâtir un projet qui soit praticable, prudent et qui laisse place à des évolutions possibles dans le futur.

2) -Traits distinctifs de l’usage d’héroïne au Maroc et conséquences pratiques

Il est nécessaire d’adapter les modalités d’intervention à la situation locale, aux besoins spécifiques et aux moyens disponibles qui préexistent pour viser une efficacité maximale. Les principaux traits distinctifs de l’épidémie marocaine tels qu’observés dans l’évaluation sont résumés ici brièvement :

  • Concentration géographique du phénomène au nord du pays, à proximité des zones de contact avec l’Espagne et le continent européen plus généralement.
  • Relative jeunesse de l’épidémie de consommation d’héroïne,
  • Taux d’accroissement rapide du nombre d’usagers,
  •  Faible diffusion à ce jour dans le milieu des usagers des informations, connaissances et outils permettant de réduire les risques encourus lors de cette consommation en matière de surdose et de transmission du VIH et des hépatites.
  • Prévalence basse de l’infection VIH dans le groupe cible
  •  Situation à risque majoré pour les femmes

Parmi les caractéristiques de l’épidémie précédemment citées, certaines peuvent être considérées comme décrivant une situation favorable. En particulier la faible prévalence actuelle du VIH fait partie de ces bonnes nouvelles. De même la concentration du phénomène au Nord du pays fait espérer une meilleure efficacité des interventions nouvelles. Cette situation globale demeure toutefois extrêmement fragile. L’urgence de la mise en place des mesures préconisées ne fait aucun doute. De nombreux pays qui étaient dépourvus d’interventions adaptées, ont connu une ascension fulgurante de l’épidémie de SIDA dans un délai inférieur à une année. La rapidité dans la mise en œuvre des dispositifs de réduction des risques et de soins sera donc le meilleur gage d’efficacité pour relever ce défi.

La concentration géographique de l’usage d’héroïne dans le nord du pays est une caractéristique qui menace de n’être que provisoire. Malgré une origine localisée, il est courant d’observer secondairement une diffusion des phénomènes d’usage de drogue dans tout l’espace géographique. En effet, les voies de communications routières se sont développées et améliorées dans les dernières années. Les marocains circulent aujourd’hui facilement au sein du pays. Le commerce et les transports routiers suivent le même mouvement. L’offre de substances illicites existe déjà ailleurs et va s’accroître. Il est essentiel que les premières interventions de prévention et de soin soient prioritairement dirigées vers la région Nord du pays. Il sera néanmoins nécessaire que les propositions soient étendues secondairement à l’ensemble des grandes villes du Maroc.